Wall Street grimpe, malgré les droits de douane et l'économie

La cote américaine s'affiche de nouveau en vive progression avant bourse ce jeudi, malgré l'impact de la guerre commerciale et les signaux de ralentissement économique outre-Atlantique. Le S&P 500 avance de 0,6% en pré-séance, au contact de ses sommets historiques, alors que le Dow Jones prend 0,5% et que le Nasdaq gagne 0,8%. Les nouveaux tarifs douaniers de Trump entrent pourtant en vigueur, bouleversant le paysage commercial, et le président américain en rajoute même une couche avec des droits de douane de 100% sur les semi-conducteurs - dont seraient dispensées cependant les compagnies fabriquant aux USA.

Cette dernière annonce a été effectuée hier soir en marge d'une conférence de presse à la Maison Blanche durant laquelle Trump et Tim Cook, patron d'Apple, ont dévoilé un nouvel engagement d'investissement de 100 milliards de dollars du groupe à la pomme aux États-Unis - portant à 600 milliards son engagement total. "La bonne nouvelle pour les entreprises comme Apple, c'est que si vous construisez aux États-Unis, ou si vous vous êtes engagés à construire, sans aucun doute, aux États-Unis, il n'y aura aucun frais", a déclaré Trump. Nvidia et Taiwan Semi (TSMC) pourraient toutefois être épargnés, alors que le géant taïwanais dispose d'usines aux États-Unis et que son client américain Nvidia s'est lui engagé à investir des milliards de dollars sur le marché américain - 500 milliards sur quatre ans pour des infrastructures liées à l'IA avec TSMC, Foxconn, Wistron et bien d'autres.

Quoi qu'il en soit, de nouveaux droits de douane réciproques sont désormais en vigueur, suite à la récente décision exécutive de la Maison Blanche qui impose aux importateurs de payer entre 10 et 50% de tarifs douaniers dans les prochains mois pour l'importation aux États-Unis de divers produits. Des dizaines de pays, dont des partenaires commerciaux majeurs comme l'Union européenne, la Corée du Sud et le Japon, sont désormais soumis à un nouveau taux de 15%. L'addition est encore plus lourde pour le Brésil, qui a vu des droits de douane de 50% entrer en vigueur, et l'Inde, confrontée à des droits de douane de 25% qui pourraient doubler dans trois semaines en raison de sa consommation de pétrole russe. Une consommation qui complique aussi les négociations commerciales sino-américaines.

Parmi les points positifs soutenant malgré tout Wall Street, la probabilité d'un assouplissement monétaire d'un quart de point en septembre est remontée très significativement depuis vendredi, suite aux chiffres décevants de l'emploi, à 93% désormais selon l'outil CME FedWatch. L'ISM des services annoncé cette semaine a aussi accentué les craintes de ralentissement. Trump n'a pourtant pas du tout apprécié les révisions du rapport sur l'emploi, jugeant ce rapport truqué et demandant l'éviction de la responsable.

Neel Kashkari, le patron de la Fed de Minneapolis, a indiqué sur CNBC mercredi que "la Fed devait répondre au ralentissement de l'économie". Il juge que deux baisses de taux seraient toujours appropriées cette année. Contrairement à Trump, Kashkari ne conteste pas les données du Département américain au Travail et note donc un affaiblissement du marché de l'emploi. Il pourrait donc être utile d'ajuster la politique monétaire plutôt que d'attendre. Le responsable indique toutefois qu'il ne sait pas si l'impact des tarifs douaniers sur les prix persistera... La gouverneure Lisa Cook de la Fed, s'exprimant hier soir lors d'un événement à Boston, a jugé préoccupant le dernier rapport sur l'emploi et a indiqué que "de grandes révisions dans les chiffres de l'emploi sont en quelque sorte typiques des points d'inflexion" pour l'économie. Enfin, Mary Daly, de la Fed de San Francisco, estime aussi que la banque centrale devra baisser ses taux dans les prochains mois pour soutenir le marché du travail. Elle s'exprimait lors d'un événement en Alaska.

Le président américain a été critiqué pour ses attaques contre la Fed et pour avoir limogé Erika McEntarfer du Département au Travail, des mesures qui pourraient être perçues comme fragilisant des institutions supposées indépendantes. En ce qui concerne la Fed, Trump, qui ne cesse de tacler Jerome Powell, a déclaré avoir quelques personnes en tête pour le poste laissé vacant après l'annonce vendredi par Adriana Kugler de son départ du conseil des gouverneurs - alors que son mandat n'expirait qu'en janvier. Son départ offre à Trump l'occasion de nommer un gouverneur plus proche de sa préférence pour des taux d'intérêt plus bas, alors que deux autres gouverneurs, Christopher Waller et Michelle Bowman, viennent déjà de basculer en faveur d'un assouplissement monétaire... Hier, Bloomberg indiquait que les conseillers de Trump l'encourageraient à nommer un gouverneur temporaire de la Fed pour occuper le siège bientôt vacant de Kugler.

Sur le front géopolitique, l'émissaire spécial américain Steve Witkoff s'est donc rendu à Moscou. Le président américain Donald Trump a évoqué des échanges très productifs et serait disposé à rencontrer Vladimir Poutine dès la semaine prochaine, selon un responsable de la Maison Blanche cité par Reuters. Une relative bonne nouvelle, juste avant la date butoir fixée par Trump pour que Poutine accepte un cessez-le-feu en Ukraine sous peine de sanctions. Le New York Times croit savoir que le président américain espèrerait ensuite une réunion avec Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Les préparatifs du sommet entre Trump et Poutine ont déjà commencé, a annoncé le conseiller diplomatique du président russe, Iouri Ouchakov. "A la suggestion de la partie américaine, un accord de principe a été conclu pour organiser un sommet bilatéral dans les prochains jours", a-t-il indiqué. La Russie n'a en revanche pas répondu à l'idée américaine d'une rencontre à trois entre Donald Trump, Vladimir Poutine et le dirigeant ukrainien Volodymyr Zelensky.

Les inscriptions au chômage ont progressé un peu plus fortement que prévu la semaine passée aux États-Unis. Le Département américain au Travail a fait état pour la semaine close au 2 août d'inscriptions au chômage au nombre de 226.000, en hausse de 7.000 par rapport au niveau de la semaine antérieure. Le consensus était positionné à 221.000.

La productivité trimestrielle non-agricole aux États-Unis pour le deuxième trimestre 2025 a augmenté sur un rythme de 2,4% en données préliminaires, contre +2% de consensus FactSet, tandis que les coûts unitaires du travail se sont appréciés de 1,6% contre 1,3% de consensus.

Raphael Bostic de la Fed prendra la parole dans la journée. Les chiffres du crédit à la consommation aux USA seront connus dans la soirée (consensus FactSet +7,3 milliards).

Dans l'actualité des entreprises cotées à Wall Street, Applovin, DoorDash, McKesson, Airbnb, Fortinet, Metlife, AIG ou Occidental Petroleum, ont publié hier soir leurs derniers comptes. Eli Lilly, Gilead Sciences, ConocoPhillips, Constellation Energy, Motorola Solutions, Monster Beverage, Block Inc, Warner Bros. Discovery, Live Nation, Microchip Technology, Take-Two Interactive, The Trade Desk, Pinterest ou Parker-Hannifin, annoncent notamment aujourd'hui.

Sur le Nymex, le baril de brut WTI gagne 0,7% à 64,8$. L'once d'or fin avance de 0,4% à 3.382$. L'indice dollar cède 0,1% face à un panier de devises. Le bitcoin se stabilise vers les 116.000$. Sur les marchés obligataires, le rendement du T-Bond à 10 ans s'affiche à 4,23%.

Les valeurs

AppLovin, groupe californien spécialisé dans le développement de logiciels de marketing mobile et de monétisation destinés notamment aux annonceurs et aux détenteurs d'espaces publicitaires numériques, qui capitalise désormais plus de 130 milliards de dollars à Wall Street, a publié ses comptes. Pour le deuxième trimestre clos fin juin 2025, le groupe a dégagé un bénéfice par action de 2,39$ nettement supérieur aux attentes, pour des revenus de 1,26 milliard de dollars. Sur le troisième trimestre, le groupe envisage pour son troisième trimestre des revenus allant de 1,32 à 1,34 milliard de dollars, légèrement au-dessus du consensus.

DoorDash, plateforme de mise en relation d'utilisateurs avec des restaurants et des prestataires de services, essentiellement active aux USA, bondit avant bourse à Wall Street. Pour son deuxième trimestre, le groupe a facilement dépassé les attentes des analystes, affichant des revenus de 3,28 milliards de dollars bien plus élevés que prévu, pour un bénéfice ajusté par action de 65 cents lui aussi nettement supérieur au consensus. Un an plus tôt, le groupe déplorait une perte par action de 38 cents et affichait des revenus de 2,63 milliards de dollars seulement. L'Ebitda ajusté, de 655 millions de dollars, a lui aussi battu le consensus. La guidance d'Ebitda sur le trimestre entamé se situe à 730 millions en milieu de fourchette.

Airbnb a dépassé les attentes au deuxième trimestre, avec des revenus de 3,1 milliards de dollars et un Ebitda ajusté de plus d'un milliard de dollars. Le bénéfice par action s'est établi à 1,03$ contre 93 cents de consensus. Les nuits et les sièges réservés, mesure incluant le nombre de services réservés sur la plateforme, ont augmenté de 7% au deuxième trimestre, tandis que la valeur brute des réservations a grimpé de 11% à 23,5 milliards de dollars. Les revenus pour le troisième trimestre sont attendus entre 4,02 et 4,1 milliards de dollars, également au-dessus du consensus de marché en milieu de fourchette. Le groupe fait également état d'un nouveau programme de rachat d'actions de 6 milliards de dollars. Néanmoins, le groupe envisage une croissance plus faible sur le reste de l'année, du fait d'une base de comparaison difficile, alors que la période comparable de l'année antérieure avait été marquée par de solides réservations en Asie et en Amérique latine.

McKesson, géant américain de la distribution pharmaceutique et médicale, a annoncé pour son deuxième trimestre des revenus en croissance de 23% à 97,8 milliards de dollars, pour un bénéfice ajusté par action de 8,26$ lui aussi supérieur aux attentes. Le management relève légèrement sa guidance de bénéfice ajusté annuel par action, à 37,5$ en milieu de fourchette, avec la demande soutenue de certains médicaments spécialisés à marges élevées, dans la polyarthrite rhumatoïde et le cancer notamment. Rappelons que le groupe a récemment annoncé son intention de scinder son unité de solutions médico-chirurgicales en une société indépendante pour se concentrer sur son activité principale de distribution de médicaments.

Eli Lilly décroche à Wall Street, tandis que Novo Nordisk remonte. Lilly, le laboratoire américain, est essentiellement sanctionné du fait de résultats décevants d'une étude sur sa pilule amaigrissante. Pourtant, le groupe vient de doper ses prévisions de bénéfices pour l'ensemble de l'année, avec la forte demande pour son médicament à succès pour la perte de poids, Zepbound, alors qu'il cible de nouveaux marchés et cherche à gagner des parts de marché sur Wegovy de Novo Nordisk. Le groupe américain prévoit désormais un bénéfice ajusté allant de 21,75 à 23$ par action sur l'année, contre un consensus de 21,7$. Néanmoins, le titre décroche donc sur des résultats d'étude peu engageants de son médicament oral pour la perte de poids, orforglipron, qui a permis aux patients de perdre 12,4% de leur poids en moyenne après 72 semaines. Plusieurs analystes ont indiqué que le marché s'attendait à ce que l'orforglipron égale ou dépasse la perte de poids de 14,9% obtenue par Wegovy en 68 semaines.

Lilly a par ailleurs annoncé ce jour, au titre du deuxième trimestre, des revenus en augmentation de 38% à 15,6 milliards de dollars, avec la croissance des volumes des blockbusters Zepbound et Mounjaro. Le groupe a relevé de 1,5 milliard de dollars le point médian des prévisions de chiffre d'affaires pour l'exercice 2025, avec une guidance allant désormais de 60 à 62 milliards de dollars. Le bénéfice par action du deuxième trimestre 2025 a progressé de 92% à 6,29$ en données publiées et de 61% à 6,31$ sur une base ajustée. Le bpa ajusté était attendu à 5,6$ environ pour 14,7 milliards de revenus.

Zimmer Biomet, actif dans les appareils orthopédiques, a publié pour le deuxième trimestre un bénéfice net de 153 millions de dollars et un bénéfice ajusté par action de 2,07$, dépassant les anticipations de brokers. Les revenus ont totalisé 2,08 milliards de dollars, niveau également supérieur au consensus. Le bénéfice annuel ajusté par action est anticipé désormais entre 8,10 et 8,30$, ce qui représente une augmentation de la guidance, alors que les ventes sont attendues en croissance de 6,7 à 7,7% en données publiées et entre 3,5 et 4,5% en organique et à changes constants.

ConocoPhillips, groupe pétrolier de Houston, a publié pour son deuxième trimestre fiscal un bénéfice ajusté par action de 1,42$, supérieur au consensus des analystes, avec la croissance de la production compensant l'impact de plus faibles cours du brut. La production du deuxième trimestre s'est élevée à 2,39 millions de barils équivalent pétrole par jour, soit une augmentation de 446.000 bpep/j par rapport à la même période de l'année précédente. Le prix moyen réalisé par la société s'est établi à 45,77 dollars par baril équivalent pétrole, soit 19% de moins qu'un an plus tôt. Le bénéfice net trimestriel publié s'est établi à 2 milliards de dollars et le bénéfice ajusté à 1,8 milliard. Le flux de trésorerie généré par les activités d'exploitation a atteint 3,5 milliards de dollars. Le groupe mentionne aussi l'intégration finalisée des actifs de Marathon Oil et le maintien des objectifs de synergies de plus d'un milliard de dollars en rythme annualisé d'ici fin 2025, ainsi que de plus d'un milliard de dollars de gains exceptionnels.

Constellation Energy, groupe énergétique américain de Baltimore, a annoncé pour son deuxième trimestre un bénéfice net GAAP de 2,67$ par action et un bénéfice d'exploitation ajusté de 1,91$ par action, à comparer à un consensus de 1,82$. Le groupe a signé un accord de 20 ans avec Metapour la pleine capacité du Centre d'énergie propre de Clinton. Il évoque aussi "un soutien législatif bipartisan continu à l'énergie nucléaire". L'acquisition de Calpinepour 26,6 milliards de dollars a reçu l'approbation de la FERC et des autorités réglementaires d'État. Le Centre d'énergie propre de Crane sera remis quant à lui en service en 2027.

Parker-Hannifin, géant US de la défense et leader des technologies de mouvement et de contrôle, grimpe avant bourse à Wall Street, suite à la publication d'un quatrième trimestre fiscal bien au-dessus des attentes. Le bénéfice net T4 est ressorti à 923 millions de dollars (+18%), alors que le bénéfice ajusté par action a atteint 7,69$ (+14%) contre un consensus de 7,1$. Les revenus ont totalisé quant à eux 5,24 milliards de dollars, un record avec une croissance organique de 2%, contre 5,1 milliards de consensus. Sur l'exercice clos, le groupe a ainsi réalisé un bénéfice de plus de 3,5 milliards de dollars et des revenus de 19,9 milliards de dollars. Pour l'exercice entamé, il anticipe un bénéfice par action allant de 28,4 à 29,4$.

Warner Bros. Discovery a annoncé pour son deuxième trimestre un bénéfice net de près de 1,6 milliard de dollars et un bénéfice par action de 63 cents, pour des revenus de 9,8 milliards de dollars. La maison-mère de HBO Max a dépassé les attentes en termes d'abonnés et dit progresser vers sa scission en deux entités cotées. Le groupe entend ainsi séparer ses studios et services de streaming de l'activité plus poussive des réseaux TV. Le management dit avoir franchi plusieurs étapes en vue de cette séparation .Le nombre total d'abonnés de Warner Bros. atteint près de 126 millions au deuxième trimestre, dépassant les attentes avec HBO Max, qui bénéficie notamment du succès des séries 'The Last of Us' et 'The Gilded Age'. Le bénéfice ajusté s'est établi à 1,95 milliard de dollars sur le trimestre, supérieur aux estimations.

Polo Ralph Lauren a relevé jeudi ses prévisions de chiffre d'affaires annuel, dopé par une forte demande en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Le groupe new-yorkais a annoncé un bénéfice de 220,4 millions de dollars pour le premier trimestre de son exercice et un bénéfice par action de 3,52 dollars, au-delà des attentes de Wall Street. Ralph Lauren a déclaré que ses prévisions tenaient compte des pressions inflationnistes, des tarifs douaniers et des perturbations de la chaîne d'approvisionnement mondiale, entre autres.

Intel, qui réagissait plutôt bien à Wall Street à l'annonce de la taxe de 100% sur les semi-conducteurs, retombe désormais avant bourse sur la place américaine, sur une nouvelle saillie de Donald Trump qui vient de réclamer l'éviction immédiate de son directeur général. "Le DG d'Intel est en grand conflit et doit démissionner immédiatement", a déclaré Trump sur Truth Social. "Il n'y a pas d'autre solution à ce problème. Merci de votre attention !" Ce message intervient alors que que le sénateur Tom Cotton a envoyé une lettre au président d'Intel, Frank Yeary, exprimant son inquiétude quant aux investissements et aux liens du DG du groupe Lip-Bu Tan avec des entreprises de semi-conducteurs qui seraient liées au Parti communiste chinois et à l'Armée populaire de libération.