Accord UE-Mercosur: dernière ligne droite agitée, la France sème le trouble
Le bras de fer se tend entre Bruxelles et Paris: la Commission européenne a martelé lundi son intention de signer l'accord de libre-échange avec le Mercosur dans les prochains jours, en dépit de la mobilisation agricole et des appels de la France à reporter la décision.
Ursula von der Leyen voudrait parapher ce traité commercial avec l'Amérique latine samedi lors du sommet du Mercosur à Foz do Iguaçu au Brésil.
Mais elle a d'abord besoin de l'aval des Etats européens durant la semaine à Bruxelles. Et la France, toujours opposée à l'accord en l'état, plaide pour un report du vote en 2026.
"A ce stade, le compte n'y est pas pour protéger les agriculteurs français. Les exigences françaises n'ont pas été remplies", a tonné Paris dimanche soir.
Emmanuel Macron "a demandé à la présidente de la Commission un report de l'examen de l'accord", a indiqué son entourage.
L'exécutif européen a opposé au président français une fin de non-recevoir lundi.
Ce traité est "de la plus haute importance pour l'Union européenne", sur "le plan économique, diplomatique et géopolitique", a souligné un porte-parole de la Commission, qui maintient son calendrier.
Une signature est "absolument nécessaire cette semaine", a renchéri l'Allemagne, fervent défenseur de cet accord avec lequel elle espère relancer ses exportations industrielles.
Ce bras de fer lance une semaine qui s'annonçait déjà agitée à Bruxelles.
Les syndicats agricoles promettent jusqu'à 10.000 manifestants dans la capitale belge jeudi, en marge d'un sommet européen entre chefs d'Etat et de gouvernement.
Les agriculteurs de l'UE restent vent debout contre cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay.
Ce traité favoriserait les exportations européennes de voitures, de machines, de vins et de spiritueux. En retour, il faciliterait l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui alarme les filières.
Mais la Commission européenne n'en démord pas. "C'est maintenant ou jamais" pour l'accord, souligne une source interne, à propos de négociations entamées il y a plus de 25 ans.
"S'il n'y a pas de compromis cette semaine, on risque une crise européenne grave. Ce sera un grand échec pour la Commission, pour l'Allemagne et pour l'Espagne", met aussi en garde un diplomate européen, sous couvert de l'anonymat.
Sauvegarde et contrôles renforcés
Allemands, Espagnols et Scandinaves misent sur cet accord pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des Etats-Unis.
La France aura donc du mal à bloquer ce traité qui n'a besoin que d'une majorité qualifiée pour être adopté, lors d'un vote attendu mercredi ou vendredi. L'Italie, qui a soufflé le chaud et le froid, pourrait jouer les arbitres
Pour compliquer encore l'équation, un autre scrutin est prévu dès ce mardi, au Parlement européen cette fois.
A Strasbourg, les eurodéputés se penchent sur les mesures de "sauvegarde" destinées à rassurer les agriculteurs et amadouer la France.
Avec ce dispositif, l'Union européenne promet un "suivi renforcé" des produits les plus sensibles tels que la viande bovine, la volaille, le riz, le miel, les œufs, l'ail, l'éthanol et le sucre, et une intervention en cas de déstabilisation du marché.
Les Etats européens ont déjà approuvé cette clause de sauvegarde. Mais le Parlement européen pourrait encore la consolider.
Autre signal pour tenter de convaincre Paris, la Commission européenne a annoncé la semaine dernière le renforcement de ses contrôles sur les importations agricoles, afin de s'assurer qu'elles respectent les normes européennes.
Bruxelles promet également de mettre à jour ses règles sur les traces de pesticides dans les produits importés, afin d'éviter que des substances interdites en Europe rentrent sur le continent via les importations.
Si Ursula von der Leyen signe le traité samedi, la partie ne sera pas terminée pour autant.
Il restera une ultime étape au Parlement européen: l'adoption définitive de l'accord au début de l'année 2026 a priori.
Des sources internes s'attendent à un scrutin serré dans l'hémicycle, où les considérations nationales pèseront.
Tous bords politiques confondus, "tous les Français voteront contre, la plupart des Polonais aussi", pronostique un bon connaisseur des équilibres parlementaires. En ajoutant la gauche radicale et l'extrême droite, "on arrive déjà à 300 opposants" au traité, calcule-t-il, sur un total de 720 élus.
■
Copyright © 2025 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, transmise, rediffusée, traduite, vendue, exploitée commercialement ou utilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. l'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions, qui ne peuvent être exclus ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations.
- 0 vote
- 0 vote
- 0 vote
- 0 vote
- 0 vote